L’Union européenne fonctionne grâce à un budget qui peut sembler conséquent. Ce dernier est financé par ses différents États membres, en toute logique. Pour favoriser l’intégration régionale tout en réduisant les disparités, il existe des fonds européens soutenant les économies plus faibles. La Commission européenne souhaite cependant soumettre le versement de ces subventions à des prérequis politiques, ayant notamment la Hongrie et la Pologne dans le collimateur. Vue de France, la situation paraît justifiée : les anciens pays du bloc de l’Est profiteraient directement des finances de l’Ouest. La réalité est plus complexe, car ces subventions ont toujours été présentées comme des contreparties à l’ouverture de ces marchés et économies fragiles. Il est effectivement indéniable que les industriels allemands en profitent énormément, les entreprises françaises beaucoup moins. Mais parallèlement à ces sanctions financières, ce sont des camouflets purement politiques qui pourraient être infligés à la Hongrie.
Quelle conception de l’État de droit ?
La Commission européenne souhaite que le versement de subventions européennes et le droit de vote dans les instances continentales soient soumis au respect de « l’État de droit » dans les pays destinataires ou concernés. Sur le papier, beaucoup seront d’accord. Mais encore faut-il se mettre d’accord sur cette notion, et sur les façons de mettre en danger l’État de droit. La Hongrie, spécialement visée par la mesure en cours d’élaboration, dénonce volontiers l’arbitraire des décisions qui seraient prises en ce nom, tout en exposant régulièrement que la démocratie est beaucoup plus forte en son sein que dans d’autres pays qui lui donnent des leçons.
Si les alliés de PPE risquent de tourner casque, le député britannique eurosceptique Nigel Farage a dénoncé les inquisiteurs qui ont la Hongrie dans leur viseur :
Le 11 septembre 2018, c’est-à-dire hier, c’est le Premier ministre hongrois Viktor Orbán en personne qui s’est rendu à Strasbourg pour prendre la parole devant le Parlement européen. Il a évoqué le rapport Sargentini (nom d’un député de la gauche écologiste européenne) potentiellement très dangereux pour son pays. Il s’agirait même de suspendre le droit de vote de la Hongrie au sein de l’UE, au nom de l’article 7 du traité de Maastricht.
Un discours calibré
Viktor Orbáan sait qu’il peut compter in fine sur le soutien du groupe de Visegrád et de quelques autres pays, mais il s’attend à ce que le texte visant la Hongrie soit adopté par le Parlement européen actuel avant les prochaines élections. Acceptant d’avance cette défense, il a mis en avant les faits historiques par lesquels sa nation a lutté pour la liberté et la démocratie, et ce depuis des siècles. Il a précisé comment l’honneur des Hongrois était bafoué par le rapport Sargentini.
Les médias hongrois ont déjà largement commenté cette actualité :
Si la mesure passait, ce serait la première fois de l’histoire qu’un État membre serait privé de tout pouvoir au sein des instances européennes. D’un point de vue théorique, une telle issue paraîtrait aberrante. Elle fait multiplier à l’est les comparaisons entre URSS et UE. Ce pourrait être un très mauvais signal.
Viktor Orbán a fait distribuer à tous les députés européens un document de 108 pages précisant les 37 erreurs caractérisées contenues dans le rapport Sargentini. Il a conclu en affirmant que le chantage ne servirait de rien et que la Hongrie ne changera pas de politique. Le dénouement de ce dossier pourrait s’avérer essentiel pour l’avenir des institutions européennes.
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