Les campagnes françaises sont devenues des déserts médicaux. Les maternités deviennent rares et les accouchements à la maison comme interdits. Les hôpitaux de campagne sont l’exception, et des services d’urgence ferment la nuit. En outre, nombre de médecins refusent de faire des points de suture ou se prennent pour des fonctionnaires assujettis aux 35 h en quittant leur cabinet à 17 h 30 maximum, quel que soit le nombre de personnes en salle d’attente. L’assurance santé voit rouge par son déficit. Certains praticiens se surprennent à parler de « clients » plutôt que de « patients »… En bref, la santé en France n’est pas au beau fixe, le SAMU étant désormais submergé et pris en défaut. En cause : ses défaillances.
Son appel n’est pas pris au sérieux
Fin décembre 2017 à Strasbourg, une jeune femme de 22 ans du nom de Naomi Musenga appelle le SAMU local, qui n’était pourtant pas bien loin… Son appel n’est pas pris au sérieux et son interlocutrice se moque de sa demande de secours. La jeune mère de famille est rapidement décédée.
L’histoire a mis du temps à s’ébruiter : il aura fallu attendre la diffusion par le journal alsacien Heb’di de la conversation téléphonique enregistrée. Le dialogue dure trois minutes environ. Son enregistrement a été obtenu par la famille après une demande expresse. Et celle-ci fait froid dans le dos, surtout quand on se figure que la même chose pourrait nous arriver n’importe quand… Faites-vous vous-même votre idée :
https://www.youtube.com/watch?v=_99BYy_xcX0
Sur la bande sonore, on entend distinctement deux opératrices du SAMU strasbourgeois rire et se moquer de Naomi Musenga qui parvient à peine à parler. Elle dit qu’elle va mourir, mais personne ne la croit. « J’ai très mal, je vais mourir » dit-elle, se plaignant de douleurs au ventre. L’opératrice du SAMU finit par lui dire qu’elle va raccrocher et qu’il faut appeler SOS Médecins. La malade parvient à le faire, puis le médecin au bout du fil se dépêche pour forcer la venue du SAMU. Mais trop tard… Le quotidien Le Monde explique que la maîtresse de maison a dû attendre cinq heures à compter de son premier appel au SAMU avant d’être transférée vers l’hôpital de Strasbourg où elle meurt à la suite de deux arrêts cardiaques avec défaillance multiviscérale sur choc hémorragique.
La justice a été saisie
La famille de la victime – de couleur noire – a fait la demande officielle d’obtenir l’enregistrement de son appel au SAMU. Parallèlement, les hôpitaux universitaires de Strasbourg ont annoncé le 3 mai 2018 faire une enquête en interne pour mieux cerner la situation. L’ouverture d’une instruction judiciaire a été demandée par voie postale auprès du procureur de la République local. Les pompiers du Bas-Rhin semblent quant à eux blanchis, dans la mesure où ils avaient les premiers été contactés par Naomi qu’ils ont orientée vers le SAMU. Alors on ne peut que compatir avec la souffrante si malmenée !
Je suis profondément indignée par les circonstances du décès de Naomi Musenga en décembre. Je tiens à assurer sa famille de mon entier soutien et demande une enquête de I'IGAS sur ces graves dysfonctionnements. Je m'engage à ce que sa famille obtienne toutes les informations .
— Pr Agnès Buzyn (@agnesbuzyn) May 8, 2018
L’opératrice du SAMU qui a traité l’appel de Naomi Musenga a d’ores et déjà été « suspendue » à l’occasion d’une mesure administrative conservatoire. C’est le 9 mai dernier que le parquet de Strasbourg a ouvert une enquête préliminaire dont l’objet est la potentielle non-assistance à personne en danger. Enfin, depuis que l’affaire a été médiatisée, l’antenne locale de secours fait l’objet de nombreux appels d’insultes. Des menaces ont également été signalées. Cela ne peut que faire froid dans le dos ! Logiquement, le « modèle français » ne fait plus vraiment rêver…
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