Dans le débat sur l’influence de la rémunération sur la productivité des travailleurs, deux écoles de pensée s’affrontent : la théorie du tournoi qui argue que plus l’écart salarial est grand, plus les employés sont incités à travailler dur, et la théorie de l’équité qui suggère que de grands écarts de salaire engendrent un sentiment d’injustice nuisant à la motivation des travailleurs. Où se situe alors la vérité ?
Théorie du tournoi : la compétition comme moteur
Mettant en avant le fonctionnement compétitif de la société, la théorie du tournoi, popularisée par l’économiste américain Edward Lazear, propose que des salaires significativement plus élevés pour les cadres supérieurs encouragent les employés à travailler plus dur pour obtenir une promotion et le gain salarial qui l’accompagne. Cette théorie suggère que ces écarts de rémunération servent également de filtre, en retenant uniquement les plus motivés et les plus performants au sein de l’organisation.
Théorie de l’équité : le besoin d’harmonie
À l’inverse, la théorie de l’équité souligne l’importance de l’équité interne dans la dynamique de travail. Une large dispersion des salaires peut nuire à la coopération et à l’objectif commun des employés. Cette théorie évoque les conséquences négatives d’une grande disparité salariale, provoquant un sentiment relatif d’injustice qui peut conduire les travailleurs à réduire leur niveau d’effort.
Impact culturel sur la perception des écarts salariaux
La perception des inégalités salariales peut également être prise en compte pour comprendre l’attitude des travailleurs à l’égard d’importants écarts salariaux. En effet, selon que vous travaillez en France ou aux États-Unis, vous pouvez percevoir d’importantes rémunérations différemment. Par exemple, les travailleurs français sont susceptibles de ressentir de l’envie lorsqu’ils observent une grande disparité de salaire, tandis que les travailleurs américains peuvent y voir une opportunité de futur succès financier.
Une question de légitimité
Selon Jason Shaw, chercheur à l’université du Kentucky, la question de la légitimité des écarts de salaire influence également leur acceptation ou leur rejet. Si les disparités de salaire sont perçues comme justifiées sur la base de différences de performance, elles seront probablement mieux acceptées. Par contre, si elles semblent illégitimes, elles généreront un sentiment d’iniquité.
Limites de la dispersion salariale
Néanmoins, plusieurs études suggèrent qu’il existe une limite à l’écart salarial bénéfique pour la performance. Au-delà de cette limite, l’augmentation de la disparité salariale peut devenir préjudiciable à la productivité globale. Cela suggère qu’il pourrait être judicieux pour les managers de restreindre les écarts salariaux drastiques afin de maintenir l’équilibre entre compétition et équité.
Compte tenu de ces différentes perspectives, où se trouve réellement le point d’équilibre entre une concurrence saine et une inégalité dommageable ? Les cadres supérieurs ont-ils une tolérance plus élevée à la disparité salariale? Et jusqu’où le sentiment d’injustice peut-il impacter l’efficacité collective? Ces interrogations ouvrent la voie à de nouvelles réflexions et recherches.