A peine son referendum constitutionnel adopté, le président Kassym-Jomart Tokayev veut confirmer l’essai en proposant une longue liste de réformes destinées à démocratiser et moderniser le pays. En remettant plus tôt que prévu son mandat en jeu, le chef d’État entend pouvoir s’appuyer sur un soutien populaire pour ancrer définitivement le Kazakhstan dans la modernité.
C’est peu dire que pas grand monde, tant au Kazakhstan qu’à l’extérieur du pays, ne s’y attendait : quelques mois seulement après une première salve de réformes constitutionnelles adoptées par referendum, le président kazakh Kassym-Jomart Tokayev persiste et signe dans sa volonté affichée de démocratisation. Dans un discours prononcé le 1er septembre dernier, le chef d’Etat, élu en 2019 au terme de presque 30 ans de règne ininterrompu de Noursoultan Nazarbaïev, a présenté sa vision de l’avenir du pays aux membres du Parlement kazakhstanais réunis pour l’occasion. Une vision qui se traduirait, donc, par une refonte supplémentaire des institutions politiques et démocratiques du Kazakhstan, et dont les mesures viendraient s’ajouter à celles d’ores et déjà ratifiées en juin dernier. Une démocratisation réjouissante dans un climat global de recul des libertés dans le monde.
Modernisation à tous les étages
Au cours d’un discours fleuve aux allures parfois d’inventaire à la Prévert, Kassym-Jomart Tokayev a détaillé les divers changements qu’il entend faire adopter au plus vite. A commencer par la tenue d’une élection présidentielle anticipée, dès cet automne, alors que le scrutin ne devait initialement pas se tenir avant 2024. Remettant son mandat en jeu deux ans avant son terme, le président kazakhstanais a également proposé de réduire la durée de celui-ci à un septennat non-renouvelable, en lieu et place de l’actuel quinquennat renouvelable deux fois de suite. Une manière, ici encore, de limiter les prérogatives présidentielles sur la durée et de réduire « considérablement les risques de monopolisation du pouvoir », après trois décennies pendant lesquelles le clan Nazarbaïev avait fait main basse sur les ressources et forces vives du pays. Destinées à ancrer la vie politique du Kazakhstan dans la modernité, ces mesures, si elles sont adoptées, devraient contribuer à tourner la page de l’ancien régime et à assurer le modèle politique kazakhstanais contre toute tentation de retour en arrière.
Dans son discours sur l’état de la Nation, Kassym-Jomart Tokayev s’est également prononcé en faveur de plusieurs initiatives visant, elles aussi, à moderniser la vie démocratique kazakhstanaise. C’est par exemple le cas de la création annoncé du poste d’Ombudsman auprès de la présidence, une sorte de médiateur chargé de recueillir en permanence les doléances populaires. Le chef de l’Etat kazakhstanais a également détaillé les mesures destinées à accélérer le mouvement de décentralisation de l’administration publique, à assurer un meilleur partage des compétences gouvernementales avec les ministères ou encore à garantir une gestion plus transparente des fonds publics. Autant d’innovations institutionnelles au Kazakhstan qui justifient, selon l’intéressé, de solliciter à nouveau la confiance du peuple en se présentant de manière anticipée à l’élection présidentielle.
Une stratégie politique inédite dans cette région d’Asie centrale, où les différents pays se sont surtout distingués, depuis leur émancipation du joug soviétique au début des années 1990, par une gestion du pouvoir clanique, oligarchique et autoritaire. Le pari de la modernité et du modèle de la démocratie libérale à l’occidentale choisi par le Kazakhstan fait figure d’exception dans paysage des steppes. Aux portes de la Chine et de la Russie, la démocratie fera-t-elle un effet domino ?