L’ancien ministre du budget, Christian Eckert, est intervenu dans le reportage Pièces à Conviction, consacré à l’optimisation et l’exil fiscal, diffusé le mercredi 28 mars dernier sur France 3. L’ancien ministre du budget y est notamment interviewé, évoquant le cas de la première fortune française en des termes relativement flous. Face à ces accusations, le groupe LVMH a immédiatement apporté un démenti extrêmement ferme, qui « conteste formellement les allégations et les chiffres mentionnés dans cette émission » et nie l’existence de toute forme de pénalité ou de redressement.
« Il se trouve que s’agissant d’une personne connue et d’un volume financier important, j’ai eu connaissance de cette affaire (…) Les affaires fiscales ont donné lieu à régularisation et à pénalités comme il se doit en la matière », a-t-il ainsi affirmé, visant indirectement Bernard Arnault.
Plusieurs points méritent cependant un intérêt tout particulier et laissent à penser que les enquêtes menées ont laissé dans l’ombre plusieurs aspects essentiels et visent plus au sensationnalisme démagogique qu’au réel travail de recherche. La somme du redressement fiscal est évaluée à plus d’un milliard d’euros. Une somme colossale, même à l’échelle de la fortune de Bernard Arnault, majoritairement liée à ses parts dans le groupe LVMH et, à ce titre, très volatile. Si la quatrième fortune mondiale était vraiment soumise à un tel redressement, nul doute qu’il serait resté domicilié en Belgique afin d’éviter d’attirer l’attention du trésor public. De même, les journalistes omettent de mentionner leurs sources lors qu’ils évoquent cette somme colossale, rendant directement suspect leur argumentaire. Ces manques sont dommageables, tant l’exil fiscal représente un fléau dans l’Hexagone et un manque à gagner notable pour les finances publiques.
Du côté du politique, la situation est aussi délicate. En effet, même en tant qu’ancien Ministre, Christian Eckert reste et demeure soumis aux règles relatives au secret fiscal. En révélant, sans preuve, des informations relatives au président du groupe LVMH, Christian Eckert se place en dehors de tout cadre légal et contrevient aux règles les plus élémentaires de l’ancien Ministère dont il avait la charge.
Sans rentrer dans une défense aveugle du fondateur de LVMH, une mise au point demeure nécessaire. Le journalisme d’investigation est une composante essentielle à la démocratie mais invite cependant à être perçu avec un regard critique. Le dernier « Pièces à convictions » semble malheureusement s’inscrire dans un laisser-aller néfaste des journalistes, dont la quête -légitime- d’audience outrepasse parfois les obligations éthiques inhérentes à leur fonction centrale.
Ça vous a plu ? 4.6/5 (23)