Essai sur le dilemme social qui sévit sur la toile en ce moment: qui la voiture autonome décidera d’épargner en cas d’imprévu ? Le piéton ou vous et votre famille ?
Les géants de la Sillicon Valley préparent les voitures de demain. Comment imaginez-vous votre véhicule dans 10, 20 ou 30 ans ? Pas de réponse ? Et bien Google et ses acolytes pensent que vous n’aurez plus besoin de toucher au volant, puisque la voiture fera tout pour vous, vous ne serez en fait plus qu’un passager, même assis derrière le volant. Cependant, si vu sous cet angle le tableau a l’air idyllique, ces véhicules dits autonomes sont au cœur d’un débat vif lié à un conflit social, sur leur capacité à juger du droit de mort ou de vie sur les usagers de la chaussée.
Imaginez-vous donc à vive allure sur une route, et face à vous un groupe de quelques piétons traversant la route sans prêter attention à vous. La voiture fonce sur eux. Que ferez-vous ? Foncerez-vous droit dans le mur juste à côté pour les éviter en acceptant probablement de perdre votre vie, ou foncerez-vous sur eux pour la préserver ? Que pensez-vous que le véhicule autonome fera dans une situation similaire ? Telle est la question qui brûle toutes les lèvres en ce moment, où ces véhicules d’un genre nouveau sont en phases de tests sur les routes américaines.
Le dilemme des voitures autonomes. Qui sauver ?
Le problème existe avec ou sans véhicule autonome
Plus connu sous le nom de Dilemme du chauffeur de Trolley , la problématique liée à la vie à sauver dans la mise en situation proposée ci-dessus est assez pertinente et revêt d’ailleurs un caractère philosophique discuté depuis quelques temps déjà dans les hémicycles et amphithéâtres d’Universités, notamment en Oregon (États-Unis) où selon le Dr. Azim Shariff chef du département de psychologie « cela peut sembler un scénario abstrait et artificiel, mais nous avons réalisé que ces expériences de pensée philosophique pourraient devenir concrètes, car elles correspondent à des décisions qu’auront à prendre les véhicules autonomes ».
76% des chercheurs trouvent plus moral d’éviter les piétons
Selon les études menées par les constructeurs automobiles, les véhicules autonomes élimineraient jusqu’à 90% des accidents de la circulation, le plus souvent liés aux décisions de l’Homme. Si cette estimation revêt un caractère plutôt intéressant compte tenu des statistiques françaises de sécurité routière , qui faisaient état en 2015 de 3461 personnes décédées sur les routes de l’Hexagone, soit 77 personnes de plus qu’en 2014 (avec une mortalité routière en légère hausse de +2,3 % par rapport à l’année 2014), les véhicules pourraient être la solution pour endiguer ces vies humaines perdues sur la route.
Crédit photo: Wikimedia – Steve Jurvetson
C’est d’ailleurs la tendance qui se confirme, après une enquête menée en ligne en 2015 auprès de 1928 personnes aux États-Unis, rapportant l’engouement des populations par rapport à ce type de véhicules de prime abord, soit avant toute mise en situation. Interrogés par le biais d’expériences psychologiques en ligne consistant à donner son opinion devant des situations variées sur le nombre de piétons ou les liens familiaux ou amicaux avec le passager comme le rapporte Le Monde , les chercheurs essayaient de déterminer quelle serait la réponse ou la réaction des personnes inclues dans l’étude en fonction de leur situation à eux.
Ainsi, à 75% les interrogés trouvent plus moral d’éviter les piétons, mais là ils répondaient au dilemme social par rapport au fait qu’ils se trouvaient eux aussi dans le groupe de piéton traversant la chaussée. En inversant leur position, soit eux dans le véhicule comme passagers ou conducteurs, cette note chutait dès lors à 70% souhaitant se sacrifier pour sauver les piétons, mais là, ils étaient seuls dans le véhicule. Accompagnés des membres de leurs familles, les interrogés sont moins de 60% à accepter de heurter un arbre ou une barrière pour éviter les piétons.
Crédit photo: Flickr – Travis Wise
Enfin, à la question visant à savoir quelle proportion de l’échantillon serait prête à acheter un tel véhicule, seuls 40% étaient intéressés. Comme quoi à ce moment là peu étaient enclins à privilégier la vie des autres au détriment de la leur ou des membres de leurs familles respectives. Jean-François Bonnefon, coauteur de l’enquête et chercheur à l’École d’économie de Toulouse conclut en rapportant qu’il s’agit d’un classique des conflits sociaux, « où l’intérêt égoïste peut passer avant l’intérêt collectif ».
La réponse de Google au dilemme
Si pour beaucoup arrivés à ce niveau de la lecture, la voiture autonome est plus problématique que réellement nécessaire, pour Chris Urmson, le responsable des véhicules autonomes chez Google, la situation est toute autre. Ce dernier affirmait le 1er décembre 2015 sur le Washington Post que si ces problèmes étaient des lubies pour les philosophes, la situation en conditions réelles était toute autre, les usagers ne réagissant pas comme dans leurs schémas de prédiction.
De plus, l’officiel de Google enfonçait le clou en soulignant la grille de priorité routière de ses voitures autonomes, qui selon lui étaient actuellement élaborées par les ingénieurs pour éviter les collisions avec les usagers vulnérables de la route, notamment les cyclistes et les piétons, puis les autres véhicules et enfin les objets qui ne bougent pas. Toujours d’après Chris Urmson, les véhicules électriques ne seraient en l’état actuel des choses, pas du tout habilités à décider de toucher telle ou telle personne pour éviter une collision.
Crédit photo: Google
Qui faut-il donc privilégier ? Passagers ou piétons ?
En reprenant l’exemple introductif, et lui apportant quelques modifications, imaginez donc piéton qui déboule de manière inattendue devant votre voiture autonome. Du fait de son arsenal de capteurs et son avance technologique, cette dernière le détecte, analyse la situation et calcule grâce à un algorithme qu’elle ne peut pas freiner suffisamment pour l’éviter et dans l’autre sens, si elle poursuit sa trajectoire, elle le tuera. Quelles solutions s’offrent donc à la voiture ? D’un côté, elle peut effectuer une embardée à droite et de l’autre elle peut en effectuer une à gauche, entrant en collision avec un objet inanimé et préservant la vie du conducteur, des passagers et du piéton au même moment.
Cependant, sur la droite se trouve un groupe de piétons et sur la gauche un ravin. Quelle sera la réaction ou le schéma opérationnel de la voiture à cet instant précis ? Qui faudra-t-il sacrifier ? Le piéton, le groupe de personnes ou les passagers ? En somme, c’est une sorte de calcul infini, qui ne trouvera sans doute jamais réponse, du fait de l’imprévisibilité de la nature humaine.
Le schéma décisionnel aurait pu être inculqué à l’intelligence artificielle de la voiture si jamais toutes les données étaient maîtrisées dès le départ. Il est vrai que personne n’aurait prédit l’apparition du piéton, ni même la situation du groupe de personnes à droite, ou du ravin à gauche. S’il est quasiment sûr que pareille situation arrivera tôt ou tard, surtout si l’on s’en tient à la Loi de Murphy, la solution la plus simple serait déjà de réfléchir à un cadre juridique et éthique concernant l’utilisation des voitures autonomes, et si possible, pourquoi ne pas permettre une issue de secours qui permettrait par exemple au conducteur de reprendre le contrôle du véhicule pour mieux apprécier la situation et limiter dans la mesure du possible les éventuels dégâts.
Dans la pratique si ces véhicules ne sont point encadrés de statuts particuliers ou d’issue de secours octroyant au conducteur une prise manuelle de contrôle, ce sont les algorithmes qui seront en charge de la décision et de la conduite à tenir dans pareille situation. La question reste donc désormais de savoir comment ils doivent agir, ce qui pousse à croire que l’on s’achemine vraisemblablement vers une ère où il prédominera deux types de véhicules: d’une part protégeant le conducteur et ses éventuels passagers, et d’autres part protégeant le piéton ou le groupe de piétons.
Pour finir en beauté, un pointe d’humour
En effet, le dilemme de la voiture autonome a secoué la toile ces derniers jours, et quelques-uns des acteurs se sont amusés à le transformer en petite séquence d’humour, histoire de détendre un peu l’atmosphère. C’est le cas de CommitStrip , qui a proposé une illustration type bande-dessinée assez parlante:
Ça vous a plu ? 4.6/5 (25)
L’ironie c’est que le « Vous et votre famille » pouvez être à bord du véhicule ou sur la chaussée comme piétons, à vous de choisir sur quel côté voulez-vous mourir et libre à la bête métallique de choisir sa victime. Serait-ce une solution à la démographie ?! Ou du chômage en perspective pour les auto-écoles et ceux qui assurent la police de la route. Au diable le code de la route et l’argent des contraventions, on veut tout automatiser ! Mais là, une modeste question s’impose aux perspicaces : A qui profite l’idée de substituter l’homme par la machine, en dehors de la cupidité et des constructeurs de ces engins ?! La modélisation du cerveau humain est en cours en Europe, l’anatomie plastique arrive presque à tromper l’oeil, la reconnaissance vocale est en avance……où veut-on en venir !? Suffit-il pas à l’humain d’être l’esclave de ses idées et de ses désirs, tant à son préjudice qu’à celui de la planète qui lui est confiée……Misère à ceux qui se laissent conduire comme du bétail….Toutes mes condoléances aux consciences mortes.