Le 15 juin, le média La Lettre A (Indigo Publications) a reçu une citation directe à comparaître devant le tribunal correctionnel de Paris dans le cadre d’une accusation de diffamation émanant du groupe Casino. En toile de fond, ce développement pose la question de l’impact que la propagation répétée de certaines informations présentées de manière orientée peut avoir sur le cours de l’action d’un grand groupe.
En tant qu’entreprise cotée, le groupe Casino veille en effet à ne pas laisser circuler des informations erronées ou trompeuses, dans la mesure où celle-ci peuvent entraîner des conséquences néfastes sur le cours de bourse de l’action Casino. Le fonctionnement des marchés est en effet particulièrement sensible aux offensives informationnelles, qui peuvent survenir en un brusque soubresaut, ou au contraire être diluées de manière plus insidieuse sur le long terme. La translation dans le réel (sur la valeur des actions) de l’évolution des perceptions des acteurs du marché est l’une des raisons qui légitiment et expliquent l’action régulatrice de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), institution qui veille notamment à prévenir et sanctionner les délits d’initiés (c’est-à-dire la manipulation de cours sur la base d’informations encore confidentielles ou non diffusées) ainsi que les tentatives de manipulation par l’information publique (presse, internet…). Outre cette sensibilité structurelle des sociétés cotées aux offensives informationnelles, le groupe Casino est en l’occurrence tenu d’adopter une vigilance accrue – sous la supervision de l’AMF – étant donnée la procédure de conciliation débutée en mai 2023. Prévue pour s’achever en octobre prochain, cette procédure a en effet pour objectif qu’une solution sereine et équilibrée soit trouvée entre le distributeur stéphanois et ses créanciers.
Or, entre le 27 avril et le 14 juin, La Lettre A a consacré pas moins de neuf articles à la situation actuelle du groupe Casino, soit un article tous les 5 jours en moyenne sur cet intervalle de moins de deux mois. Le groupe Casino estime que la nature diffamatoire de ces articles a « conduit à une baisse de la valeur de l’action », ce qui motive la présente action en justice. L’un de ces articles – paru le 8 juin – est en effet intitulé « L’ombre des désertions en série plane sur le conseil de Groupe Casino ». Outre ce titre tendant vers le sensationnel, cette publication contient des spéculations inexactes sur Thierry Billot, Beatrice Dumurgier et Maud Bailly, tous présentés comme démissionnaires de manière trompeuse. Les trois personnes concernées n’ont en effet pas présenté leur démission, ni avant ni après la publication de cet article et ils étaient toutes présentes lors du dernier conseil d’administration de l’entreprise.
Confronté à la publication intensive et répétée d’informations volontairement fausses ou trompeuse, le groupe Casino n’a ainsi pas eu d’autre alternative que d’agir sur le plan pénal afin de faire cesser un flux de publications orientées susceptibles de perturber son cours de bourse dans une période particulièrement sensible. Il ne s’agit donc pas ici d’une problématique de liberté de la presse, celle-ci étant protégée en France, et personne ne remettant en cause le droit de la rédaction de La Lettre A de se pencher sur tous les sujets qu’ils jugent pertinents. La procédure en cours consacre l’importance de s’en tenir à diffuser des informations exactes et vérifiées dans des contextes économiques sensible et illustre le droit (également garantie par la justice française) d’entamer une action en justice face à des informations de nature diffamatoires.
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