Olaf Scholz, ministre fédéral des Finances d’Allemagne, a annoncé sa volonté d’augmenter la fiscalité sur le tabac, une réforme qui devrait être votée au printemps et qui devrait rapporter 12 milliards d’euros supplémentaires au budget de l’Etat entre 2022 et 2026.
Cette réforme fiscale a aussitôt été saluée par les associations antitabac, mais a plongé les fabricants de tabac dans un mélange de colère et d’incompréhension. L’Allemagne est l’un des derniers pays européens à accepter que l’industrie du tabac finance sa vie politique et ses campagnes électorales. Chaque année, l’industrie du tabac apporte des fonds aux partis politiques, notamment les deux plus grands, pivots de la vie politique allemande, la CDU d’Angela Merkel et le SPD, et leurs élus.
Avec cette manne financière, les fabricants de tabac considèrent que la plupart des élus allemands sont leurs obligés, et qu’ils doivent les préserver de toute mesure antitabac pénalisante. L’Allemagne est d’ailleurs considérée aujourd’hui comme un des pays les plus laxistes en matière de lutte antitabac. C’est sur les membres et représentants de la Commission allemande et sur les députés européens allemands que les fabricants de tabac s’appuient traditionnellement pour infléchir les mesures européennes de lutte contre le tabagisme.
L’ue va réviser la directive sur les droits d’accises
Il s’agit d’un sujet sensible à Bruxelles, l’Allemagne « trustant » les postes stratégiques de la Commission. La députée européenne Michèle Rivasi (Les Verts/ALE) a d’ailleurs mis les pieds dans le plat en osant poser une question écrite sur le sujet, en ciblant l’Allemagne. La réponse de la Commission est toute en circonvolutions et imprécisions diplomatiques.
C’est dans ce contexte, et alors que la révision des Directives sur les droits d’accises d’une part et des Produits du tabac d’autre part s’amorce à Bruxelles, que l’annonce du ministre des Finances Olaf Scholz prend tout son sens.
Quid de la réforme de la fiscalité allemande du tabac ?
La réforme fiscale sur le tabac de l’Allemagne semble modeste, les évolutions fiscales du tabac étant rares outre-Rhin. La dernière remonte à 6 ans, ce qui permet aux fabricants de tabac de maîtriser le prix de leurs cigarettes sans contraintes, pour maximiser au mieux leurs profits. Le niveau de la hausse prévue est faible : le gouvernement d’Angela Merkel souhaite une augmentation du prix du paquet de cigarettes de 8 à 10 centimes chaque année pendant 4 ans, ce qui porterait le prix du paquet de Marlboro à 7,30 euros en 2026. En France, Emmanuel Macron a demandé à ce que le prix du paquet passe de 7 à 10 euros en trois ans, fixant ainsi le prix de la Marlboro à 10,50 euros aujourd’hui en France. Il vient d’annoncer de nouvelles hausses des prix lors de la présentation du Plan Cancer.
De même, l’Allemagne épargne le tabac à rouler, dont le prix ne va augmenter chaque année que de 15 centimes pour la blague de 40 grammes.
Une politique fiscale allemande en phase avec l’industrie du tabac
Nous sommes très loin des standards recommandés par l’Organisation Mondiale de la Santé. Selon l’ONU, une hausse des prix doit être de 10% pour entraîner une baisse de la consommation de 4%. La mesure fiscale finalement adoptée par l’Etat allemand répond en réalité aux demandes de l’industrie du tabac de « hausses des prix faibles et régulières », pour à la fois ne pas déstabiliser le marché du tabac et donc augmenter leurs profits. Sur les cigarettes électroniques et les produits de tabac chauffé de type IQOS, l’Allemagne a en revanche accepté de combler son retard.
Concernant les cigarettes électroniques, l’Allemagne fait la différence entre les produits qui contiennent de la nicotine, et les autres. Le gouvernement allemand décide de taxer les cigarettes électroniques contenant de la nicotine, au motif qu’elles sont donc addictives, et qu’elles sont par conséquent une porte d’entrée vers le tabagisme « classique ». Cette distinction entre cigarettes électroniques contenant de la nicotine et celles qui n’en contiennent pas devrait devenir un modèle pour tous les pays, et notamment pour les Etats membres de l’UE dans le cadre de leurs travaux à venir.
Pour les produits du tabac chauffé, la décision de l’Allemagne est aussi très claire. Elle rappelle que les produits de tabac chauffé ne sont pas, contrairement à ce que tentent de laisser penser les fabricants de tabac, des cigarettes électroniques, mais qu’ils sont bien des produits du tabac, comme le rappelle également l’OMS avec constance.
Cette décision de l’Allemagne devrait logiquement être reprise par Bruxelles.