Elles nous vendent du rêve, veulent changer notre quotidien avec leurs services et applications dont nous n’avons pas réellement besoin. « Elles », ce sont les startups, ces entreprises innovantes qui lèvent des millions sans pour autant résoudre de vrais problèmes.
Par définition, une startup se veut innovante, à fort potentiel de croissance, mais aussi disruptive, c’est à dire qui a la capacité à venir perturber un marché et ses acteurs en place (ex: Airbnb et l’hôtellerie). Dans chacun des projets que l’on découvre chaque jour en France avec la French Tech ou en Californie dans la Silicon Valley, des entreprises innovantes promettent de faire du monde un endroit meilleur. Mais réussissent-elles vraiment ?
Dans un article publié dans le New York Times, une journaliste dresse une liste d’applications et de services dont elle a entendu parler ces dernières semaines: un service pour se faire livrer son plein d’essence à domicile ; un autre qui vous envoie un valet pour garer votre voiture; un service qui fait votre valise, virtuellement; un service qui vous livre une nouvelle tête de brosse à dents dans votre boîte aux lettres tous les trois mois; une application pour localiser les yachts en location; une enceinte diffusant de la musique par voie intra-vaginale pour les femmes attendant un heureux événement…
Nous sommes surchargés quotidiennement avec de nouvelles découvertes, brevets et inventions tous promettant une vie meilleure, mais cette vie meilleure, la plupart des gens n’en ont pas besoin. En fait, tous les services et applications listés ci-dessus visent une tranche très spécifique (et minuscule) de la population.
Les startups qui révolutionnent vraiment la vie de Monsieur Tout Le Monde et qui touchent toute la population utilement, comme BlaBlaCar par exemple, se font bien rares. La majeure partie des startups proposent souvent des services élitistes destinés aux plus riches.
Inspiration où es-tu ?
Et ce constat commence à agacer. Les startups répètent toujours les mêmes mots : innover, disrupter, améliorer le monde, révolutionner, économie collaborative… Mais quand on regarde la partie immergée de l’iceberg (la partie émergée représentant les startups vraiment disruptives et ayant connu le succès), on en vient à se demander où est passée l’inspiration ? C’est ce que s’est également demandé un consultant en développement Web dans un excellent article sur Medium.
Innover ? Les startups se copient toutes. L’une va arriver avec un concept, cinq vont l’imiter.
Livrer des repas (Take Eat Easy), faire du « taxi » (Uber), livrer des vêtements adaptés à vos goûts (ChicTypes), est-ce vraiment disruptif ?
Faire gagner cinq minutes à des citadins qui se font livrer leur repas. Faire rouler plus de voitures dans les rues avec Uber, est-ce que c’est cela améliorer le monde ?
Le principal inconvénient de l’économie collaborative est de proposer un service qui, s’il facilitera la vie de l’un, dégradera encore un peu plus la vie de l’autre
L’économie collaborative, justement, parlons-en. Elle est rarement collaborative. Elle ne reprend rien de plus que la logique du travail à la demande. Tout récemment, la sortie de Pooper , une application de ramassage de crottes de chien, a dénoncé cela. Heureusement l’application était fausse . Le but était de moquer l’ubérisation, le modèle d’innovation technologique de la Silicon Valley, qui propose de résoudre des problèmes inexistants, sauf si on est très riche ou très paresseux. Mais les plus sérieux médias américains n’ont pas manqué d’en faire la promotion, tombant dans le panneau. Cela montre aussi le pouvoir des startups à vendre du rêve…
Pooper dénonce le principal inconvénient de l’économie collaborative, à savoir proposer aux deux parties un service qui, s’il facilitera la vie de l’un, dégradera encore un peu plus la vie de l’autre. Ben Becker, cocréateur du canular Pooper explique d’ailleurs à Newsweek : « On n’est plus obligé de rien faire soi-même. On peut ne plus conduire, ne plus faire ses courses… Les gens veulent-ils vraiment vivre dans une société où il y a un tel degré de stratification et de division des tâches ? »
Autre point que l’on ne manquera pas de développer plus largement dans un nouvel article, c’est la façon dont les grandes entreprises technologiques disent vouloir « changer le monde » et le rendre meilleur. Certes, bon nombre des services proposés permettent à des particuliers de gagner un peu d’argent en sous-louant leur appartement sur Airbnb par exemple. Mais Airbnb ou Uber, pour ne citer qu’eux, se moquent des règles de base de l’économie. Ces entreprises n’aiment pas la répartition des revenus: plutôt que de contribuer par l’impôt aux infrastructures des pays au sein desquels elles prospèrent, elles choisissent la voie du contournement fiscal.
Pendant ce temps, à San Francisco, la Mecque des startups, l’élévation du niveau de la mer menace, l’écart de revenu entre riches et pauvres a augmenté plus rapidement que dans toute autre ville du pays, un plus fort pourcentage de personnes envoient leurs enfants dans des écoles privées plus que dans toute autre ville, et un salaire minimum de 254.000 $ est requis pour devenir propriétaire d’un logement moyen. Alors pour qui exactement le monde va-t-il mieux ?
Crédit photo principale : Flickr – TechCrunch