Le « brexit » l’emporte en faveur du « oui » à l’issue du référendum, maggy peut esquisser un large sourire dans l’au-delà…
Le Royaume-Uni a presque toujours été le mouton noir de l’Union Européenne en termes de politique. En effet, jamais vraiment totalement impliqué dans les agissements et les processus de décision de Bruxelles par son bon vouloir, le Royaume de sa Majesté et les sujets de cette dernière ont décidé enfin ce 24 juin 2016, de claquer la porte à la grande famille européenne, après plus de 60 ans de construction commune.
Le Brexit a été voté en faveur du « Oui », quelles sont les implications et les conséquences autant pour l’Europe que pour le Royaume-Uni ? Assistera-t-on à un effet de contagion ? Faut-il s’attendre à un redimensionnement des cartes européennes ? Quelles perspectives pour l’avenir ? Petit tour d’horizon des principaux changements à attendre de cette sécession inédite.
D’où naît l’idée du Brexit ?
En effet, les faits remontent à 2004 lorsque Tony Blair, alors Premier Ministre britannique a l’idée d’organiser un référendum définitif qui scellera son pays à l’UE, puisque depuis son adhésion à l’Union en 1975, le Royaume-Uni n’a jamais vraiment su quelle place il occupait, et ses sujets ne s’étaient pas prononcés sur leur appartenance à l’UE.
Référendum avorté car refusé par français et hollandais à l’époque, après qu’il ait difficilement été élu en 2010 et qu’il sentait le feu venir pour sa réélection en 2015, David Cameron alors actuel Premier Ministre a promit à son camp (conservateurs) et à Ukip (eurosceptiques) d’organiser en tant voulu le référendum en cas de toute modification de traité européen.
Alors que la grogne montait dans son propre camp et que les eurosceptiques du Ukip, assortis à une frange de la population britannique s’agaçaient de ne voir aucun référendum venir sur fond de peur de perdre au fil des ans leur souveraineté économique et politique, David Cameron n’a eu d’autre choix que d’organiser le référendum sur le maintien ou la sortie de son pays de l’UE.
Une journée pas comme les autres
Fait unique en son genre, c’est la première fois qu’un pays aspire et abouti à sa sécession d’avec l’Union Européenne. En effet, ce qui semblait encore improbable il y a deux jours vient de se réaliser Outre-Manche, puisque les britanniques ont décidé de dire Adieu à Bruxelles, après plus de 60 ans de vie commune.
Les Britanniques ont voté jeudi 23 juin à 51,9% des voix pour sortir de l’Union européenne et à 48,1% pour rester. 17,4 millions de personnes ont voté pour le Brexit et 16,1 millions pour rester dans l’UE. Tout avait pourtant bien débuté pour le « Non », notamment avec les soutiens de quelques poids lourds de la politique britannique, parmi lesquels Tony Blair ex-premier ministre du Royaume-Uni.
I believe voting to Remain will secure Britain’s place as a proud, influential country with a strong economy. TB pic.twitter.com/q6rIJI8JIx
— Tony Blair Office (@tonyblairoffice) 23 juin 2016
Le dernier sondage qui donnait victoire au « Non » n’a donc pas été utile ni respecté, les prochains jours seront marqués par les tractations entre Londres et Bruxelles, en vue de l’aboutissement de la volonté du peuple Britannique. En termes de conséquences, que risquent respectivement l’UE et le Royaume-Uni ?
Une dégringolade sans pareil des places boursières
En effet, première conséquence immédiate de la victoire du « Oui » au Brexit, les places boursières européennes et mondiales ont subit l’une de leurs plus lourdes baisses et pertes. Il ne fallait pas attendre très longtemps pour que les premiers regrets se fassent ressentir dans un camp comme dans l’autre.
Dans un premier temps, c’est la bourse de Londres FTSE qui perdait 7,5%, plongeant par la même la monnaie anglaise (Livre Sterling) à son plus bas niveau face au dollar américain depuis 1985, soit 11% de valeur perdue. Mais ce n’est pas tout, puisqu’à Madrid aussi, la bourse perdait tôt ce matin 12%, Paris presque 8%, Vienne 10% également, et la plus forte baisse s’est faite ressentir à Athènes, dont la bourse a perdu 15% de valeur spéculatives.
La tendance se poursuit un peu partout sur le Vieux Continent, ponctuée par la stabilisation in extremis du Franc Suisse par la Banque Centrale de l’État Helvétique, et une chute de 17% de Deutsche Bank et Commerzbank. L’impact financier du Brexit s’est aussi fait ressentir à l’international, notamment dans les ex-pays vassaux de l’Empire Britannique, dont l’Australie (la bourse de Sydney perdait 3% tôt à 05h ce matin – heure européenne -), et Hong-Kong (dont la bourse perdait également 3%).
Sur le plan direct de l’emploi, quelques 16.000 emplois britanniques sont d’ores et déjà menacés, car étant sous le contrôle de JP Morgan, dont les actionnaires ont dans la foulée annoncé la probabilité du transfert de leurs activités de la City vers Francfort.
Tous ces faits dénotent assez implicitement la relation très intime qu’entretenaient les places boursières et les économies des pays européens vis-à-vis de Londres. De plus, si certains s’amusent à rappeler que l’UE ne risque rien, il est judicieux de jeter un coup d’œil à la contribution annuelle britannique à l’exercice de Bruxelles, pour se rendre compte du trou béant à combler. Qui pour remplacer le Royaume-Uni et ses quelques 19 milliards directs ? La France avec son économie bancale depuis plusieurs années ? La Grèce au bord du gouffre mais dont l’échéance ne fait qu’être repoussée ? L’Espagne qui navigue sans commandant de bord depuis plus d’un mois ? La situation s’avère plus délicate que prévue donc.
Vers un redimensionnement des cartes européennes ?
L’histoire rattrape toujours tôt ou tard, et le Royaume-Uni pourrait bien en payer les frais dans un avenir proche. Après le référendum raté sur la sécession de l’Écosse du bloc Britannique en 2014 , le Brexit par rapport auquel les écossais ont voté à 62% « Non » pourrait bien raviver des envies indépendantistes pour quitter définitivement le Royaume-Uni. D’ailleurs, le Premier ministre écossais Nicola Sturgeon prévenait tôt ce matin que l’Écosse voyait « son avenir au sein de l’Union européenne ».
Dans un second temps, il est très important de prendre en compte les résultats dans l’ensemble de leurs détails. En effet, les habitants de l’Irlande-du-Nord, arrachée à l’Île d’Émeraude par les britanniques dans les années de colonisation, a ainsi voté le maintien dans l’UE à 56 %, et la victoire du Brexit a conduit le Sinn Fein, ex-vitrine politique de l’Armée républicaine irlandaise (IRA), a appeler ce vendredi matin à un référendum sur une Irlande unifiée .
Rappelons que l’Irlande-du-Nord doit beaucoup à Bruxelles, qui a injecté en 1998 quelques dizaines de milliards de la monnaie unique pour soutenir le pays à la suite des accords du « Good Friday », qui mettaient un terme à des décennies de guerre religieuse entre protestants et catholiques.
Dans l’absolu, l’UE risque elle aussi gros à la suite de ce « Oui » au Brexit. N’oubliez pas que bon nombre de pays, notamment le Danemark sont très hostiles à Bruxelles depuis quelques années et manquaient tout simplement de courage ou de volonté politique pour lancer la machine de la sécession.
Sujet d’un lointain conflit calmé par les lois européennes, la souveraineté sur le Détroit de Gibraltar a déjà été évoquée par l’Espagne tôt ce matin, qui pourrait notamment être tentée de fermer sa frontière.
Adieu la libre-circulation et l’espace Schengen
Autre conséquence immédiate et qui se fera ressentir de prime abord, la sortie de l’espace Schengen et le rétablissement des frontières entre le Royaume-Uni et l’UE, suivi du rétablissement du passage par la case Visa pour voyager entre les deux blocs.
Ainsi, si jusqu’à présent l’on avait besoin que d’un simple document d’identité pour quitter de la France ou de la République d’Irlande vers le Royaume-Uni et vice-versa, désormais il faudra passer par les bureaux des immigrations des ambassades respectives. Une tweetos s’est même amusée à dire que le prochain James Bond illustrera l’acteur britannique attendant deux heures à Roissy-Charles de Gaulle pour la vérification de son passeport.
The next James Bond will just be him spending 2 hours in passport control at De Gaulle
— Bobby Big Wheel (@BobbyBigWheel) 23 juin 2016
Les voyages et la télécommunication s’en mêlent aussi
Autre conséquence non négligeable du Brexit, les ménages britanniques devraient se préparer à investir plus de moyens qu’avant pour passer leurs vacances sur le Vieux Continent, puisque leur sortie de l’UE annule les accords communautaires qui permettaient à toute compagnie européenne d’opérer sans limite de fréquence, de capacité ou de prix dans l’espace aérien européen. De plus la chute de la valeur de la Livre Sterling face à l’Euro n’arrange pas les choses.
Par ailleurs, vous serez bientôt obligés de payer plus pour vous rendre au Royaume-Uni, que ce soit par train avec l’Eurostar, que par avion, puisque les taxes douanières seront rétablies, et imputées sur le prix final de votre titre de transport.
Les opérateurs télécoms doivent se frotter les mains du départ du Royaume-Uni, puisqu’ils ont potentiellement plus d’une dizaine de millions de nouveaux clients qui paieront des frais d’itinérance.
Vers un transfert de la city à francfort ?
Outre les emplois de la City, plus précisément de JP Morgan, qui sont menacés, c’est la valeur symbolique même du quartier d’affaires de Londres, qui risque d’être transférée à Francfort, et ce sont les britanniques qui y perdraient le plus.
En effet, la City jouit d’une sorte de passeport financier que lui accorde l’UE pour pouvoir écouler des produits financiers fabriqués à Londres dans tous les pays membres. Le Brexit annule tous les accords passés en ce sens, et cette situation contraindrait les principaux acteurs et fonds d’investissement du quartier londonien que sont JP Morgan et HSBC à transférer leurs activités en Allemagne, s’ils veulent pouvoir continuer à servir leurs millions de clients européens.
Les expatriés britanniques saignés à blanc
Dépassant largement le million (Espagne 319.000, République d’Irlande 249.000, France 171.000 et Allemagne 100.000), les expatriés britanniques résidant dans les pays de l’UE seront eux aussi durement impactés par le Brexit. En effet, du fait de la dépréciation de la monnaie anglaise, les retraités britanniques vivant dans les pays de l’UE devraient assister impuissants à la fonte de leurs pensions, qui étaient payées rappelons-le en Livre Sterling.
Ce n’est pas tout puisque les investissements des britanniques aussi bien en Europe que dans leur pays sont plus que jamais compromis, par la chute de leur monnaie, et leur sortie de l’Union.
Pas du jour au lendemain
Une victoire du « Oui » au référendum sur le Brexit signifie-t-elle automatiquement une sortie du Royaume-Uni du marché unique du jour au lendemain ? Non, explique Tim Bale, professeur de sciences politiques à l’université Queen Mary de Londres.
En effet, comme tout divorce les biens communs doivent être partagés et selon l’article 50 du traité de l’Union contenant la fameuse « clause de retrait volontaire et unilatéral », un délai de deux ans est accordé aux deux parties (ici le Royaume-Uni et l’UE) pour négocier les clauses et conditions de la sécession.
Certes le Brexit a été approuvé par le peuple britannique ce 24 juin 2016, mais il faudra deux ans, voir quatre ou six, si jamais la fameuse clause sus-évoquée est renouvelée, pour aboutir à la sécession définitive.
Crédit photo principale : Flickr – Jeff Djevdet