L’histoire d’une ville mal protégée et d’une crise mal gérée

Il y a dix ans, le 29 août 2005, l’ouragan de niveau 3 Katrina frappait les côtes de la Louisiane et la Nouvelle-Orléans, la ville la plus française des Etats-Unis. À l’époque, beaucoup de Néo-Orléanais et d’Américains se disaient que l’ouragan qui approchait allait bifurquer au dernier moment, épargnant ainsi les côtes américaines. Mais ce fut une erreur: l’ouragan avait bien changé de direction, mais pour s’orienter tout droit vers la Louisiane.

La catastrophe, d’une ampleur inédite aux Etats-Unis, toucha sévèrement la « Ville Croissant ». Près de 1500 personnes y perdirent la vie et le nombre de blessés est encore inconnu actuellement, tant la désorganisation s’empara de l’administration après cette catastrophe. Pourquoi un tel désastre a-t-il eu lieu ? Que s’est-il passé ce jour-là et les jours suivants ? Et surtout, est-ce que la Nouvelle-Orléans peut affronter un nouvel ouragan équivalent ou pire que Katrina ?

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Des bus scolaires sous l’eau après le passage de Katrina – Crédit photo: FEMA – Liz Roll

Les prémisses d’une catastrophe étaient déjà présents

Alors que l’ouragan approchait, les autorités locales et nationales réagirent deux jours avant l’arrivée de Katrina sur les côtes de la Louisiane. Ray Nagin, l’ancien maire de la Nouvelle-Orléans, ordonna l’évacuation de la ville. Au niveau fédéral, l’ancien président George W. Bush décréta l’état d’urgence pour l’Etat de la Louisiane.

Mais ce ne fut guère suffisant : malgré ces précautions, de nombreux Néo-Orléanais furent incapables de quitter la ville et certains refusèrent même de partir, pensant que l’ouragan finirait par changer brusquement de trajectoire, comme cela se produisait très souvent. D’autres encore pensaient que les digues de la ville les protégeaient des risques d’inondations, à tort. Mal entretenues et mal construites, la sécurité qu’elles étaient censées offrir fut illusoire.

Alors que l’ouragan frappa la ville de plein fouet, les digues censées contenir les vagues provoquées par les vents violents de la tempête cédèrent et l’inondation devint inévitable. Plusieurs quartiers, notamment les plus pauvres et regroupant une majorité d’afro-américains furent ravagés, tels que le Lower Ninth Ward, un quartier où il est encore possible aujourd’hui d’y voir des maisons à l’abandon. Au lendemain de la catastrophe, 80% de la ville était inondée et de nombreuses personnes souffrant de la faim et de la soif furent bloquées sur les toits de leurs maisons en attendant l’arrivée des hélicoptères de sauvetage.

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Une maison abandonnée à la suite du passage de l’ouragan Katrina, dans le quartier de Lower Ninth Ward – Crédit photo: Wikimedia – M.Fitzsimmons

Une situation humanitaire catastrophique

Malgré l’état d’urgence et l’évacuation de la ville, plusieurs centaines de personnes moururent suite à Katrina et des centaines de milliers d’autres se retrouvèrent sans logement et devinrent des réfugiés dans leur propre pays. Pire encore, la gestion de la crise par les autorités fut tout bonnement catastrophique, comme le montre certains événements tragiques.

Deux jours après l’ouragan, la Garde Nationale et l’U.S Army sont déployées pour empêcher les pillages, avec pour ordre de tirer si besoin pour tuer. La police Néo-Orléanaise était quant à elle livrée à elle-même. Une situation stressante qui provoqua un terrible événement : la fusillade du pont Danziger, où six civils qui voulaient simplement récupérer des vivres et vérifier l’état de leurs habitations trouvèrent la mort sous les balles de la NOPD (New Orleans Police Department). Parmi l’une des victimes, un homme afro-américain et souffrant d’un handicap mental fut grièvement blessé par balle et passé à tabac par l’un des policiers. Un scandale qui finira par la condamnation de quatre policiers  pour homicides volontaires, à des peines allant de 35 à 68 ans de prison.

En parallèle, les hôpitaux ne pouvaient plus fonctionner faute d’électricité, et l’eau potable était quasiment inexistante. Le Superdome, un stade de football américain accueillant l’équipe des Saints, était devenu un immense camp de réfugiés, abritant jusqu’à 30.000 personnes au temps fort de la crise, alors que ce dernier avait été également endommagé par l’ouragan.

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Des réfugiés dans le Houston Astrodome après l’évacuation du Superdrome devenu dangereux après que les digues aient lâché – Crédit photo: Wikimedia – Andrea Booher/FEMA

Mais l’un des plus grands symboles des errements de l’administration américaine fut le scandale des caravanes de la FEMA , l’Agence fédérale de gestion des situations d’urgence. Près de 120.000 caravanes furent achetées et mises à disposition en urgence pour héberger des habitants de la ville. Mais c’était sans compter sur un défaut de fabrication faisant que la plupart d’entre-elles étaient contaminées au formaldéhyde (plus connu sous le nom de formol). Provoquant des maux de têtes importants et une gêne respiratoire croissante, certains réfugiés furent définitivement affectés par cette contamination en développant de l’asthme chronique et, dans certains cas, un cancer des voies respiratoires.

L’avenir incertain d’une ville meurtrie

Aujourd’hui, si la Nouvelle-Orléans semble se relever de ses malheurs, elle reste une ville durablement affectée par Katrina : des quartiers sont encore à l’abandon et une importante partie de la population qui avait fui la ville n’est toujours pas revenue, au point que l’identité de la Nouvelle-Orléans ait changé. Autrefois majoritairement peuplée d’afro-américains, c’est désormais une population majoritairement blanche qui y réside.

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Un pont bloqué 60 jours après l’ouragan – Crédit photo: FEMA – Robert Kaufmann

Le choc fut si immense que la catastrophe restera présente dans l’esprit de beaucoup de Néo-Orléanais et donnera naissance à une véritable culture autour d’elle, allant de la musique par de grands artistes natifs de la ville à la création de la série Treme , véritable hommage télévisuel et musical fait aux victimes de la tempête.

Mais le pire reste encore à venir, car il semblerait que la ville ne soit toujours pas prête à faire face à un ouragan d’une puissance équivalente ou supérieure à Katrina, comme l’explique ce documentaire d’Arte  du 17 août. Une situation qui laisse planer une inquiétude sur l’avenir à moyen terme de cette ville emblématique du sud des Etats-Unis.

Crédit photo principale : Wikimedia – Mark Moran / La Nouvelle-Orléans quelques jours après le passage Katrina

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