Le Flibanserin, un médicament contre l’hyposexualité féminine, sera commercialisé aux USA
Après un chemin de croix de plusieurs années pour le laboratoire Sprout Pharmaceuticals afin de commercialiser ce nouveau médicament, la firme américaine a enfin eu le feu vert de la Food and Drug Administration (FDA) ce mardi 18 août. Destiné aux femmes non-ménopausées et souffrant d’un manque de désir sexuel, le Flibanserin sera bel et bien commercialisé après une troisième tentative réussie de convaincre les autorités sanitaires américaines.
Un long parcours pour sa commercialisation
Loin d’être une affaire récente, les tentatives de commercialisation de ce médicament aux USA furent jusqu’à présent refusées. Et les motifs invoqués semblent plutôt dissuasifs quant à l’idée d’expérimenter ce que certains appellent abusivement « le Viagra féminin ».
En 2010, une première tentative pour avoir l’autorisation de vendre le Flibanserin fut initiée par le laboratoire allemand Boehringer Ingelheim, mais sans succès, suite à une conclusion plutôt sévère: le Flibanserin serait non seulement inefficace mais il comporterait des effets secondaires potentiellement graves, tels que la dépression ou une baisse de la pression artérielle.
La molécule sera donc revendue au laboratoire américain Sprout Pharmaceuticals, qui tenta de suivre les recommandations de la FDA pour présenter une seconde version. Mais celle-ci fut également rejetée, la FDA estimant que le médicament n’offrait toujours pas des résultats suffisamment importants, notamment par rapport au placebo.
Finalement, la troisième tentative sera la bonne, la compagnie américaine étant parvenue à convaincre par une nouvelle étude de l’efficacité du médicament. D’après les essais cliniques, les femmes sous Flibanserin ont indiqué avoir eu en moyenne 4,4 expériences sexuelles satisfaisantes en un mois. Un mieux comparé aux autres avec 3,7 expériences satisfaisantes du groupe sous placebo et 2,7 avant l’étude. Les essais ont été menés pendant 24 mois aux USA et au Canada sur 1323 femmes, en grande majorité mariées et en bonne santé.
Des doutes sur l’efficacité du médicament
Malgré l’autorisation de la FDA, nombreuses sont les interrogations concernant ce produit qui serait le premier médicament stimulant la libido féminine, grâce à une molécule non-hormonale agissant sur le système nerveux central.
D’abord, cette autorisation a été obtenue après plusieurs mois de lobbying intensif de la part de l’entreprise pharmaceutique via différents intermédiaires. Plusieurs élus du Congrès américain (Démocrates comme Républicains) ont exhorté publiquement la FDA dans une lettre de revoir sa position. Parmi d’autres soutiens, un groupe nommé Even The Score réuni également plusieurs associations de consommateurs, de professionnels de la santé et de féministes qui se disent favorables à la commercialisation du produit et qui ont dénoncé le sexisme et l’irresponsabilité de la FDA. Un groupe dont le financement s’avère opaque et qui regroupe également trois entreprises pharmaceutiques, Sprout incluse.
Ensuite, le médicament lui-même suscite quelques interrogations. D’une part, les résultats laissent songeurs, avec une efficacité discutable comparée à l’usage du placebo. D’autre part, la molécule comporte de nombreux inconvénients : en plus des effets secondaires potentiels comme la somnolence, des évanouissements ou des chutes de la tension artérielle, il est contre-indiqué en cas de consommation d’alcool. Sachant que le médicament doit être pris quotidiennement pendant 6 à 8 semaines pour qu’il agisse, le risque de s’intoxiquer par de dangereux mélanges existe, comme le souligne Cindy Pearson, responsable de l’association National Women’s Health Network. Boire ou coucher, il faudra désormais choisir.
Enfin, il existe de fortes résistances dans la société américaine, provoquant notamment de vifs débats entre différents mouvements féministes. Si Even The Score regroupe notamment des associations féministes favorables à la commercialisation de ce médicament, il en va autrement chez New View Campaign , qui accuse les entreprises pharmaceutiques de « médicaliser le sexe pour des intérêts financiers », au détriment de la santé des femmes.
Crédit photo principale : Flickr – Abd allah Foteih
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