Le massacre de Srebrenica est-il un « génocide » ?
Le 11 Juillet 1995, pendant la guerre des Balkans, le « pire crime commis sur le sol européen depuis la Seconde Guerre mondiale » a eu lieu à Srebrenica, en Bosnie. Plus de 8.000 Bosniaques musulmans, principalement des hommes et des garçons, ont été tués par l’armée de la République serbe de Bosnie, sous le commandement de Ratko Mladić, chef militaire dont les crimes atroces pendant la guerre des Balkans lui ont valu le surnom de « boucher des Balkans ».
Hier donc, le 11 Juillet 2015, était commémoré le 20ème anniversaire du massacre. Mercredi, un projet de résolution déposé par le Royaume-Uni aux Nations unies proposait de reconnaître « le crime de génocide commis à Srebrenica ». Le massacre a été reconnu comme tel par la Cour internationale de Justice en 2007 et a été officieusement appelé de cette manière à l’ONU, dans les rapports de l’ancien Secrétaire général Kofi Annan sur les événements. Mais le projet résolution visant à officiellement reconnaître le massacre de « crime de génocide » s’est heurté au veto de la Russie (un allié de la Serbie) le 7 Juillet.
Le terme « génocide » fait débat
Comme ce fut le cas avec l’Arménie il y a quelques mois, deux décennies (un siècle, dans le cas de l’Arménie) après que le génocide a été commis et fut témoin au niveau international, la communauté internationale se démène pour appeler l’événement un « génocide ». Le génocide est l’un des termes (comme la torture et le coup d’Etat) qui est particulièrement difficile à prononcer dans un cadre officiel, car il porte en soi une forte accusation envers les auteurs du crime.
L’article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide adoptée par l’assemblée générale des Nations unies, le 9 décembre 1948, affirme :
« Dans la présente Convention, le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
a) Meurtre de membres du groupe ;
b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe;
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;
e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe. »
Enterrement de 465 Bosniaques identifiés en 2007 – Crédit photo: Wikimedia – Pyramid
Selon la Convention de 1948 sur la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée par l’ONU, une mise à mort doit donc être menée avec l’intention de détruire un groupe spécifique de personnes pour être étiqueté comme un génocide. La Russie affirme que ce serait une représentation à connotation politique des événements de Srebrenica. Vitali Tchourkine, représentant permanent de Moscou à l’ONU, a jugé le projet « non constructif, conflictuel et politiquement orienté ».
Ratko Mladić, dont le procès pour crimes de guerre à La Haye a commencé en 2012 , a jusqu’ici montré aucun remords pour ses actions. Il bénéficie d’un niveau inquiétant de popularité parmi les nationalistes serbes, qui ont contesté son arrestation en 2011 , le qualifiant de « combattant de la liberté » qui « a défendu sa propre nation, a défendu son peuple ».
Aleksandar Vucic, le premier ministre serbe, a dû quitter le mémorial en courant, entouré de ses gardes du corps
Des délégations internationales étaient présentes à Srebrenica pour marquer l’anniversaire. Environ 50.000 personnes étaient venues assister aux événements commémoratifs, qui comprenaient les funérailles de 136 victimes dont les dépouilles ont été découvertes le 9 Juillet (de nouveaux cadavres ou dépouilles sont encore découverts dans la région). Des rassemblements en souvenir du massacre ont été interdits en Serbie, même si le Premier ministre du pays, Aleksandar Vucic, a participé à l’événement à Srebrenica.
Pour ce dernier, la visite s’est très mal déroulée puisqu’il a été hué et contraint de partir après avoir été touché à la tête par un jet de pierre ce samedi 11 juillet.
Lors du 10ème anniversaire du massacre, en 2005, le secrétaire général de l’ONU de l’époque, Kofi Annan, n’avait pas hésité à pointer les responsabilités de la communauté internationale dans la tragédie, en déclarant :
« Nous pouvons nous dire – et c’est vrai – que les grandes nations n’ont pas répondu de manière adéquate ».
« Comme je l’ai écrit dans mon rapport en 1999, nous avons fait de graves erreurs d’appréciation, en nous fondant sur des principes d’impartialité et de non-violence qui, bien qu’admirables, n’étaient pas adaptés au conflit en Bosnie. C’est pourquoi, comme je l’ai également écrit, « la tragédie de Srebrenica hantera à jamais notre histoire ».
Crédit photo principale : Wikimedia – Michael Büker
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