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La revue Prescrire, reconnue pour son indépendance et son engagement envers la sécurité des patients, a récemment publié une liste noire des médicaments à éviter en 2025. Ce rapport annuel met en lumière les médicaments dont la balance bénéfice-risque est jugée défavorable. Parmi les 106 médicaments listés, 88 sont actuellement commercialisés en France, certains depuis plusieurs décennies. Cette situation soulève des questions cruciales sur l’efficacité, la sécurité et la nécessité de certains traitements largement utilisés. Alors que le débat sur l’usage de ces médicaments s’intensifie, il devient essentiel de comprendre les raisons de leur inclusion sur cette liste et les alternatives possibles pour les patients. En examinant plus en détail ces médicaments, nous pouvons mieux appréhender les enjeux de santé publique qu’ils représentent.
Le cas emblématique du Spasfon
Le phloroglucinol, plus connu sous le nom de Spasfon, est l’un des médicaments les plus emblématiques de cette liste. Bien qu’il soit largement utilisé en France pour traiter divers troubles intestinaux et douleurs gynécologiques, son efficacité reste incertaine. Des études indiquent que ses effets ne dépasseraient pas ceux d’un placebo. Cette observation remet en question son utilité, d’autant plus que le Spasfon est associé à des effets indésirables potentiellement graves. Parmi ceux-ci, des réactions allergiques et, dans de rares cas, des syndromes de Lyell, une affection dermatologique pouvant être mortelle, ont été signalés.
Malgré ces risques, le Spasfon continue d’être en vente libre, et en 2023, près de 26,5 millions de boîtes ont été remboursées par l’assurance maladie en France. Cette popularité contraste avec la situation en Belgique, où sa mise sur le marché a été interrompue en 2010. Ce décalage entre les pays européens soulève des interrogations sur les critères d’évaluation des médicaments et sur la nécessité de normes harmonisées au sein de l’Union européenne.
Pourtant, la remise en question du Spasfon n’est pas isolée. Elle s’inscrit dans une tendance plus large à réévaluer les médicaments dont l’efficacité clinique n’est pas démontrée. Dans ce contexte, les professionnels de santé sont encouragés à privilégier des alternatives plus sûres et mieux documentées pour leurs patients.
Les dangers cachés des médicaments en vente libre
Outre le Spasfon, la liste de Prescrire inclut d’autres médicaments largement disponibles en vente libre, mais dont la balance bénéfice-risque est préoccupante. Les argiles médicamenteuses, telles que la diosmectite (Smecta) et l’hydrotalcite (Rennieliquo), en sont des exemples frappants. Ces produits, souvent utilisés pour soulager les troubles digestifs, contiennent des traces de plomb dues à une pollution naturelle. Cette contamination peut avoir des effets néfastes sur le système nerveux, en particulier chez les enfants.
La situation est d’autant plus préoccupante que ces médicaments sont souvent perçus comme inoffensifs par les consommateurs, en raison de leur accessibilité sans ordonnance. Ce sentiment de sécurité peut conduire à une utilisation excessive et injustifiée, augmentant ainsi les risques pour la santé. Pour pallier ces dangers, Prescrire recommande le recours à des antiacides sans argile, tels que le Gaviscon, qui offre une alternative plus sûre grâce à sa composition à base de bicarbonate de sodium et d’alginate de sodium.
Cette mise en garde souligne l’importance de l’information et de l’éducation des consommateurs concernant les médicaments en vente libre. Les patients doivent être conscients que l’absence d’ordonnance ne garantit pas l’innocuité d’un produit, et qu’une consultation médicale reste souvent nécessaire pour un traitement sûr et efficace.
Les médicaments contre la toux et les maux de gorge
Avec l’arrivée de l’hiver, les médicaments contre la toux et les maux de gorge connaissent une hausse de consommation. Cependant, certains de ces produits, comme l’oxomémazine (Toplexil) et l’ambroxol (Muxol), présentent des risques disproportionnés par rapport à leurs bénéfices. L’oxomémazine est associée à de nombreux effets indésirables, tandis que l’ambroxol peut entraîner des réactions anaphylactiques ou cutanées graves, bien que son efficacité ne dépasse pas celle d’un placebo.
Face à ces risques, Prescrire recommande de privilégier les traitements non médicamenteux ou d’opter pour des alternatives plus sûres. Pour la toux, le dextrométhorphane, présent dans le sirop Tussidane, est conseillé, bien que ce médicament comporte lui aussi certaines limites. En ce qui concerne les maux de gorge, les remèdes traditionnels comme le miel, l’eau sucrée, et les confiseries à sucer sont souvent suffisants pour soulager les symptômes légers.
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Ces recommandations rappellent que, dans de nombreux cas, la gestion des symptômes hivernaux peut se faire sans recourir à des médicaments potentiellement dangereux. L’accent est mis sur l’importance de privilégier des solutions simples et éprouvées, et de consulter un professionnel de santé en cas de symptômes persistants ou graves.
Les anti-inflammatoires et les douleurs articulaires
Pour mieux soigner, des médicaments à écarter : bilan 2025.
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— Prescrire (@RevuePrescrire) November 26, 2024
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont couramment utilisés pour traiter les douleurs articulaires, mais certains, comme l’acéclofénac (Cartrex) et le diclofénac (Voltarène), présentent des risques cardiovasculaires accrus. Ces médicaments peuvent augmenter le risque d’infarctus du myocarde ou d’insuffisance cardiaque, surtout lorsqu’ils sont utilisés à long terme ou à fortes doses.
En réponse à ces préoccupations, Prescrire recommande de privilégier des alternatives plus sûres, telles que le paracétamol, l’ibuprofène, ou la naproxène, qui possèdent un profil de sécurité plus favorable. Toutefois, même ces médicaments doivent être utilisés avec prudence, en respectant les doses et la durée de traitement recommandées.
Cette mise en garde souligne l’importance d’une approche prudente et informée dans le traitement des douleurs articulaires. Les patients doivent être encouragés à discuter avec leur médecin des options de traitement disponibles et des risques associés à chaque médicament, afin de faire des choix éclairés et adaptés à leur situation personnelle.
Les antidépresseurs et la gestion de la dépression
La gestion de la dépression est un enjeu majeur de santé publique, et certains antidépresseurs, comme l’agomélatine (Valdoxan), figurent sur la liste noire de Prescrire en raison de leur efficacité limitée et de leurs effets indésirables potentiellement graves. L’agomélatine est associée à des risques d’hépatites, de pancréatites, et de comportements suicidaires, sans démontrer une efficacité supérieure à celle d’un placebo.
D’autres antidépresseurs, tels que le citalopram (Seropram) et l’escitalopram (Seroplex), comportent également des risques accrus en cas de surdosage. Ces médicaments, bien que parfois efficaces, nécessitent une surveillance étroite et un ajustement précis des doses pour minimiser les effets secondaires.
Dans ce contexte, il est crucial que les patients et les professionnels de santé travaillent ensemble pour évaluer les options de traitement de la dépression. Les thérapies non médicamenteuses, telles que la psychothérapie, peuvent souvent être combinées avec succès aux traitements pharmacologiques pour offrir un soutien global et réduire la dépendance aux médicaments à risque.
La publication de la liste noire des médicaments par Prescrire suscite une réflexion nécessaire sur l’utilisation des médicaments et la sécurité des patients. En mettant en lumière les risques associés à certains traitements couramment utilisés, elle incite à une réévaluation des pratiques médicales et à un dialogue ouvert entre les patients et les professionnels de santé.
Face à ces révélations, comment les systèmes de santé peuvent-ils mieux protéger les patients tout en assurant l’accès à des traitements efficaces et sûrs ?
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Quoi, le Spasfon ne marche pas mieux qu’un placebo ?! 😲
C’est une bonne chose que Prescrire fasse ce genre de liste, ça peut vraiment aider à éviter les accidents. Merci !
On a vraiment besoin de normes harmonisées en Europe pour les médicaments. Ça éviterait bien des confusions.
Mais alors, que va-t-on utiliser à la place du Spasfon ? Il a toujours été un pilier dans ma pharmacie.