Depuis plusieurs mois, l’annonce de la rénovation de la gare d’Austerlitz suscite une opposition dont on ne parvient pas toujours à déceler si elle est principalement motivée par des raisons écologiques ou plus politiques. Tandis que les opposants associatifs et politiques au projet se sont réunis le samedi 12 juin pour exposer leurs griefs, un article du Parisien a malencontreusement relayé quelques contre-vérités exposées ce jour-là par les représentants de l’opposition. Retour sur une situation confuse, dont un traitement médiatique dépassionné semble difficile à assurer.

Depuis plusieurs semaines, les barrières du chantier de rénovation de la gare d’Austerlitz (boulevard de l’Hôpital) sont parsemées d’affiches collées par les opposants au projet de modernisation. Menés par le « Collectif Austerlitz », ces militants (représentant tout au plus une soixantaine de personnes) se sont rassemblés devant la gare samedi 12 juin après-midi, afin de protester contre un projet qualifié « d’aberration » par Jean-Baptiste Olivier, élu du 13ème arrondissement. Un positionnement qui surprend davantage encore au regard du vote favorable au projet qu’avait initialement apporté Jean-Baptiste Olivier, en qualité de membre du conseil d’administration de la SEMAPA, l’un des principaux maîtres d’œuvre du projet d’une part mais aussi et surtout en tant que Conseiller du 13ème arrondissement le 24 juin 2019. Il avait même, lors de ce conseil d’arrondissement, indiqué : « c’est un très beau projet ».

Une alliance curieuse entre EELV, LR et LREM dans un contexte électoral intense

Évoquée dans un article du Parisien consacré à la mobilisation, la communication du Collectif Austerlitz repose principalement sur la dénonciation d’un « mur urbain de 37 mètres de haut ». Après consultation du document officiel libre d’accès et présentant ce projet, il apparaît que ce “mur” est en réalité une succession de façades vitrées qui mesureront de 22 à 31 mètres de haut et non 37 – c’est-à-dire à la même hauteur que les immeubles d’habitation construits en face de la gare.

Cité par ce même article, Anne Biraben (élue LR) dénonce un projet qu’elle juge anachronique « C’est un projet très ancien, il correspond à une époque qui n’est plus celle dans laquelle nous voulons vivre ». L’« ancienneté » du projet dénoncé correspond en réalité au processus de validation par les différentes parties prenantes, dont la SEMAPA, la Commission d’enquête indépendante à l’issue de l’étude d’impact et l’enquête publique, le Conseil du 13ème arrondissement et le Conseil de Paris. Ce dernier s’est réuni à plusieurs reprises depuis le début des années 2010 pour voter (par trois fois et notamment en juillet 2019) en faveur du projet, avec à l’époque le soutien des élus EELV. Rien de surprenant donc pour un projet de cette envergure.

Le logement et les bureaux au cœur des controverses

Le Collectif Austerlitz propose la construction de logements destinés aux soignants de l’hôpital de la Salpêtrière. Si le caractère exclusif de cette proposition peut interroger, il apparaît en outre que le projet de rénovation prévoit déjà un volet « logements » d’importance, dont l’ampleur le 24 juin 2019 inquiétait Jean-Baptiste Olivier à l’inverse de des récentes prises de position (opportunistes ?) au côté du Collectif. La mixité sociale sera par exemple favorisée par la construction de 117 logements sociaux dont 81 logements étudiants. Le projet prévoit de plus l’implantation d’un local de l’association EMMAUS, bien loin de l’image d’un ensemble urbain surdimensionné et inadapté que véhicule le Collectif Austerlitz.

Concernant les bureaux, il est acté que ceux-ci seront utilisés par l’Agence Française de Développement (AFD), ses filiales et partenaires, contrairement à ce qui est affirmé dans l’article du Parisien. Les bureaux accueilleront également les personnels de la SNCF pour les besoins de gestion de la gare.

Les commerces prévus par le projet ont également fait l’objet de vives critiques de la part du Collectif Austerlitz, qui juge la surface commerciale surdimensionnée. Les différents intervenants de la mobilisation du 12 juin ont à cet égard omis de mentionner qu’en l’état actuel, les offres de services et commerces sont insuffisants pour répondre à la demande des millions de voyageurs qui transitent par la gare d’Austerlitz, dans un treizième arrondissement en déficit d’offre commerciale.

Une stratégie de la tension avec la mairie de Paris, qui ne semble pas faire émerger d’alternatives précises

Alors même que le Conseil de Paris a rejeté le plan de réaménagement du site il y a deux mois, le collectif Austerlitz affirme vouloir « maintenir la pression sur la Ville de Paris ». L’élu EELV Nour Durand-Raucher a pour sa part déclaré qu’un recours est « encore possible » malgré le début des travaux.

Le collectif Austerlitz affirme ainsi qu’un contre-projet visant à créer plus d’espaces verts – alors que le projet en l’état en prévoit déjà 20 000m² – et plus de logements a été soumis. Il apparaît néanmoins qu’aucune formulation concrète et opérationnelle réaliste de ce projet ne soit accessible en ligne pour le citoyen curieux souhaitant se renseigner et s’impliquer.

Le collectif Austerlitz a même déposé un référé au tribunal administratif afin de demander la suspension des travaux. Au regard de l’ampleur de ces derniers et de leurs enjeux pour Paris, l’aboutissement de cette requête semblait alors bien incertain. Et en effet, au début du mois de juillet, la cour administrative d’appel de Paris rejetait la demande de suspension des travaux adressée par le Collectif.

Enfin, on peut s’interroger sur la véritable portée de cette mobilisation, qui n’est pas parvenue à rassembler massivement ce samedi après-midi. Si ce projet semble diviser, difficile pour le moment d’évoquer une inquiétude prégnante au sein des riverains, et a fortiori des habitants de banlieue, personnels soignants de la Pitié Salpêtrière et des bureaux environnants qui attendent avec impatience de pouvoir profiter des espaces rénovés de la gare et des nouvelles voies piétonnes qui leur feront gagner un temps précieux pour se rendre à pieds à la gare d’Austerlitz ou de Lyon.

 

 

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