La capitale danoise a bien mérité son titre de « Capitale verte d’Europe » : maîtrise de sa consommation énergétique, recyclage, modes de transport propres… elle coche toutes les cases. Ces vingt dernières années, elle a appliqué les meilleures recettes, et est sur le point d’atteindre son objectif : être la première capitale décarbonée à 100%.

Elles sont désormais 97 sur la planète. Réunies depuis 2005 au sein du groupe C40, de grandes villes du monde entier ont décidé de prendre une longueur d’avance sur la politique des États, parfois trop frileux. En Asie, en Afrique, en Amérique ou en Europe, leurs maires savent quel poids ils représentent dans la sphère publique : 700 millions d’habitants et un quart de la création de richesses mondiale. Soit autant d’opportunités que de menaces sur l’équilibre écologique de la Terre. Parmi elles, Copenhague, sur le détroit d’Øresund.

Il y a 20 ans, Copenhague commençait à respirer

Copenhague est une ville à taille humaine : 600 000 habitants intramuros, 1,2 millions en comptant l’agglomération (soit l’équivalent de l’agglomération lyonnaise). Au tournant du troisième millénaire, la capitale danoise décide de se réinventer complètement, dans le sillage de la politique écologiste que le pays prône depuis la fin des années 80. Malgré le volontarisme des pouvoirs publics, ses habitants se chauffent encore majoritairement au fioul et au charbon, ses installations électriques sont vieillissantes, son éclairage public représente un gouffre financier… L’équipe municipale menée alors par Jens Kramer Mikkelsen (maire de 1989 à 2004) change de braquet et fixe un objectif ambitieux : atteindre la neutralité carbone en 2025.

Un plan de près de 30 milliards d’euros est alors débloqué pour transformer la ville. Les actions en faveur de l’environnement sont multiples : promotion de modes de mobilité durable, production énergétique autour d’un parc éolien en mer, réduction de la consommation d’énergie malgré une population en augmentation constante et gestion raisonnée des services municipaux. Copenhagois et Copenhagoises sont séduits et se prennent au jeu. En seulement dix ans, la ville se transforme et verdit : d’anciennes friches industrielles sont transformées en éco-quartiers, les immeubles deviennent multifonctions en accueillant des stations locales de recyclage des déchets, leurs façades sont végétalisées, le métro tourne désormais 24 heures sur 24, les pistes cyclables sillonnent la ville, les vieilles chaudières disparaissent… En 2014, Copenhague reçoit le titre de Capitale verte de l’Europe. Les bonnes pratiques mises en place dans ce laboratoire urbain grandeur nature sont depuis scrutées par les décideurs du monde entier.

Cinq ans plus tard, en marge du sommet du C40 à Copenhague d’octobre 2019, le maire Frank Jensen dresse le bilan de sa ville : l’objectif de 2025 est en vue. « Nous avons réduit nos émissions carbone de 42% depuis 2005, ce qui a été largement possible grâce à notre réseau de chauffage urbain, se félicite l’élu local et ancien ministre de la Justice. Ce système est alimenté par la chaleur co-générée lors de la production d’électricité et l’incinération des déchets. Il y a quelques décennies, les habitants de Copenhague se chauffaient au fioul. L’air empestait. Aujourd’hui, 90% des foyers sont connectés au réseau. Nous avons également mis en place un système de refroidissement urbain, qui utilise l’eau de mer pour produire du froid et a permis de réduire de 70% l’usage d’électricité, comparé aux systèmes de climatisation traditionnels. »

En matière de transports, la municipalité applique depuis plusieurs années une solution que d’autres villes, comme le Paris d’Anne Hidalgo, commencent à généraliser : priorité au vélo face à la voiture. « Nous avons une longue tradition derrière nous, explique alors Jensen. Dans les années 60, plusieurs projets d’autoroutes étaient en discussion. Ils devaient relier les banlieues au centre de Copenhague et traverser la ville. Finalement, Copenhague a choisi d’investir dans les infrastructures cyclables, ce que nous continuons de faire aujourd’hui et permet au vélo de compter pour plus de 50% des transports dans la capitale. » En 2025, les transports urbains se feront à 75% en vélo, à pied ou en transports en commun 100% électriques, les voitures à moteur thermiques seront remisées au musée.

Comment Copenhague a gagné la bataille de l’énergie

Cette bataille s’est déroulée en deux temps : il a d’abord fallu changer les modes d’approvisionnement, puis les modes de consommation. Sur le premier dossier, la ville s’est donc équipée d’un parc éolien au large et a modernisé son réseau de distribution de chaleur. Résultat, aujourd’hui, le raccordement de 90% des immeubles de la capitale danoise au même réseau de chauffage urbain a permis de faire plonger les émissions de CO2.

Si les habitants ont été largement associés à cette politique grâce à des incitations financières et des campagnes de sensibilisation, les pouvoirs publics ont commencé par donner le bon exemple. D’abord grâce au programme EnergyLab Nordhavn qui a montré comment « électricité, chaleur, bâtiments efficients et transports électriques peuvent être intégrés dans un même système énergétique intelligent ». Ensuite grâce à la mise en place, par l’entreprise française Citelum, de sa plateforme de gestion de l’espace urbain et de son système d’éclairage public intelligent, primé aux Green Solutions Awards en 2018. Les termes du contrat de partenariat signé en 2013 entre Citelum et Copenhague ciblaient la gestion des équipements municipaux : le remplacement de 20000 points lumineux par la technologie LED, ainsi que celui des vieilles ampoules de quelques 97000m2 des bâtiments publics et autres monuments historiques. Le chantier est énorme – mais essentiel – pour atteindre l’objectif d’une réduction de 20% des émissions de CO2. Grâce à ce système, la capitale danoise a pu renforcer la sécurité sur la voie publique et faire des économies d’énergie notables. De quoi donner des idées à d’autres grandes villes.

Paris, « ville lumière responsable » ?

L’évolution de Copenhague est un modèle pour la majorité parisienne. La prise de conscience écologique à Paris n’a été vraiment perceptible qu’au début des années 2000 et la taille de l’agglomération parisienne bien plus importante que l’exemple copenhagois ont pour effet une différence de calendrier dans les résultats visés. La neutralité carbone ne sera atteignable qu’à l’horizon 2050 pour Paris. Cela passe par une politique active dès aujourd’hui qui se traduit notamment par l’adoption d’un Plan lumière qui est désormais du ressort de Dan Lert, adjoint en charge de la transition écologique, du plan climat, de l’eau et de l’énergie. Avec ce Plan, Laurence Goldgrab, présidente du groupe RGCI au Conseil de Paris, expliquait alors vouloir inciter « les commerçants et les entreprises à la sobriété lumineuse » tout en souhaitant maintenir « l’attractivité touristique de la ville lumière ». Sur la table, entre autres, le mise en ligne de l’application DansMaRue, le remplacement de 190.000 points lumineux par la technologie LED, l’installation de capteurs pour réduire la pollution lumineuse… Une nouvelle ambition pour Paris que ses conseillers municipaux, de droite comme de gauche, voudraient bien renommer « Ville lumière responsable ». Copenhague a montré la voie, relever le défi est donc possible…

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Eva, journaliste avec 15 ans d’expérience dans des médias prestigieux comme Masa Journey et Upsider, est diplômée de l’Université de Tel Aviv et de la Sorbonne. Elle apporte un regard aiguisé sur les sujets d’actualité, enrichissant chaque article d’analyses captivantes. Contact : [email protected].

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