Le minuscule émirat du Golfe s’est construit une solide réputation de havre de paix pour les fortunes du monde entier. Mais si la ville est idéale pour ceux qui souhaitent dépenser leurs richesses, il l’est beaucoup moins pour ceux qui souhaitent entreprendre. Analyse d’un paradoxe.
Un climat chaud toute l’année, une fiscalité peu regardante et une stabilité politique rassurante : en quelques années, Dubaï est devenu l’arrière-cour de la plupart des grandes fortunes. Et en abritant 67 900 millionnaires, 202 centimillionnaires (dont les actifs s’élèvent à 100 millions de dollars ou plus) et 13 milliardaires, Dubaï se classe ainsi à la 21e place des villes les plus riches du monde… Avec seulement trois millions d’habitants !
D’ailleurs, parmi ces grandes fortunes on compte de nombreux oligarques russes qui ont fui les sanctions imposées à Moscou en raison du conflit en Ukraine. Dubaï leur offre ainsi un sanctuaire où ils peuvent librement profiter des palaces, des plages et des opportunités immobilières.
C’est désormais devenu un lieu commun et presque un cliché, mais la petite citée du golfe s’est bâti une solide image de « centre commercial géant » à destination du monde entier, et surtout des plus riches. Des grands magasins de luxe aux concessions automobiles sportives, en passant par les pistes de ski en intérieur et les résidences cinq étoiles, Dubaï a construit sa réputation d’un lieu d’insouciance et de consommation.
Dubaï est indéniablement un paradis pour les plus riches qui peuvent assouvir à loisir leurs désirs les plus fous. Mais pour les entrepreneurs, les chefs d’entreprises et les créateurs de richesses, la chose est moins aisée.
Faillite interdite à Dubaï
C’est le constat amer de l’avocate britannique Radha Stirling dans les colonnes du Times : si l’Émirat est un paradis pour « dépenser » son argent, l’absence d’État de droit véritable et l’autoritarisme du régime constituent une menace constante pour ceux qui souhaitent « gagner » leur argent.
Ainsi, l’avocate rappelle qu’a Dubaï, le simple fait de s’endetter ou de faire faillite constitue une infraction pénale passible d’une peine de prison. Une épée de Damoclès permanente sur ceux qui souhaiteraient monter une entreprise sur place et un non-sens économique, quand on sait que la prise de risque est inhérente au développement d’une société. Sans compter que la création d’une entreprise aux EAU en tant qu’expatrié nécessite une association à un partenaire local qui doit détenir au moins 51% des parts de la société.
L’avocate – à la tête l’association « Detained in Dubai » – travaille depuis quinze ans auprès des entrepreneurs étrangers qui ont eu le malheur de voir leurs relations se dégrader avec les autorités : une dette trop importante, une faillite imprévue, une brouille avec un proche du pouvoir, une dispute avec son partenaire local et c’est la descente aux enfers qui peut aller jusqu’aux geôles du régime.
« Au cours des quinze dernières années, nous avons dû traiter d’innombrables cas où des investisseurs ont fait l’objet de poursuites injustifiées, à la suite d’allégations mensongères, dans le seul but de détourner leurs actifs » détaille l’avocate.
Et si le nombre de créations d’entreprises continue d’augmenter dans l’Émirat, les détails sur les activités de ces entreprises ne sont pas publics et il y a fort à parier qu’un nombre important d’entre elles sont des structures spécifiquement dédiées à contourner la législation fiscale ou sociale d’autres pays. Dubaï est en effet une zone franche et les entreprises créées sur place bénéficient d’exonérations de charges, d’une fiscalité allégée, de réglementations sur l’emploi très souples et de réglementations sociales et environnementales quasi inexistantes.
Attrayant pour y domicilier son entreprise, mais dangereux pour celui qui voudrait réellement y faire du business !